Un roman contemporain plein d’humour et de talent, encensé par la critique
par Horia Ursu
Œuvre originale dans le paysage ittéraire roumain, “Le Siège de Vienne” fait appel à la fois à la mémoire d’un passé lointain (l’Empire autro-hongrois) et à celle d’un passé plus récent (le passé communiste de la Roumanie) jusqu’au début du XXIe siècle.L’ironie, l’humour, le talent littéraire en font un texte remarquable, renvoyant à des auteurs comme Caragiale ou Ionesco.
Le cadre du récit est une ville moyenne du nord de la Transylvanie qui vit au rythme des préparatifs précédant les fêtes de fin d’année en 1995. Ce bref laps de temps n’empêche pas les perosnnages d’une communauté cosmopolite et multilingue de refaire, à travers les soubresauts d’une mémoire collective, un siècle entier d’existence commune.
Roman réaliste, “Le Siège de Vienne” intègre aussi, de façon naturelle, le fantastique d’un Boulgakov. Il aborde l’histoire roumaine et européenne en ce qu’elle a de plus concret et de saisissant: la dernière guerre mondiale, le Goulag russe et roumain, la révolution hongrois de 1956, le dégel roumain de 1966, le Mai parisien, la révolution roumaine de 1989 et la cute du communisme. Écriture rare, sensible et intelligente à la fois, style riche et entraînant le lecteur vers des commentaires psyhologiques subtils, sens souterrain se décantant petit à petit, telles sont les qualités de ce roman d’exception. La critique roumaine ne s’est pas trompée enle plaçant en tête de la création romanesque de ces dernières décennies.
Emmanuelle Caminade in « L’Or des livres » dit du “Siège de Vienne” de Horia URSU:
La thématique majeure de ce roman est bien celle de la transfiguration du monde et de la Roumanie, du changement et de la permanence, de la répétition, de l’enchaînement cyclique des mondes et de nos vies.
On suit ses personnages dont les fragments d’histoires, les pensées et les rêves nourrissent épisodiquement le livre ou l’accompagnent tout du long. Des personnages appartenant encore à l’ancien monde ou se situant entre deux mondes pour la plupart, qui peinent à trouver leur place et à donner sens à leur vie, et semblent tourner en rond dans un monde où tout change sans que rien ne change : « Rien n’avait changé mais rien n’était comme avant ».
« Vienne est toujours restée Vienne, même après deux sièges, dit Petru, bien moins optimiste qu’il ne voulait paraître ».
Si au cours de ce réveillon particulier « avec enchères » où seront vendus des « peintres morts » à un riche personnage incarnant une nouvelle Roumanie ayant su s’adapter aux transformations du monde et profiter de la situation, la « transfiguration de minuit » s’avère néanmoins un leurre : « seuls les premières secondes du Nouvel An sont réellement nouvelles… Les autres instants sont déjà anciens, recyclés comme le sable des clepsydres ».
Il semble qu’il n’y ait pas véritablement d’échappatoire à la condition humaine : « Celui qui s’arrachera à ce cercle aura de l’avenir, ou en tout cas une perspective, droite ou brisée par endroits, peut-être une spirale ou une route en serpentins où l’on peut admirer de ses propres yeux l’enfer ».
Le grand mérite d’Horia Ursu est de nous faire ressentir tout cela avec humour et poésie au travers d’une construction narrative éclatée qui semble s’enrouler comme une tornade autour d’un point où l’espace-temps se déforme. Une construction jouant des flottements et des ambiguïtés, bousculant le temps en revenant par cercles concentriques pour dévoiler d’autres strates et approfondir la psychologie de certains personnages dont elle suit les errances géographiques et mentales en variant sans cesse les angles de vue. Qui, retournant en arrière pour mieux avancer dans un parcours spiralaire cumulatif réactivant certains motifs, donne véritablement le tournis au lecteur et requiert de sa part beaucoup d’attention.
Un roman déroutant mais fascinant qu’on ne peut épuiser en une seule lecture.
[…] A Lyon – ce soir ! – à 19h ! – la Librairie La Virevolte accueille une rencontre avec le romancier roumain Horia Ursu et les traducteurs Florica et Jean-Louis Courriol autour du roman Le siège de Vienne. […]